Dans le shivaïsme du Cachemire on développe trente-six catégories (tattvas) qui décrivent la nature de l'univers. Ils vont un peu plus loin que les hindouïstes qui en évoquent vingt-cinq seulement. Les premiers éléments les plus grossiers dans le sens de la remontée se présentent comme : terre, eau, feu, air, éther. Ce dernier représente l'espace vide qui permet aux quatre essences d'exister. Cet ensemble constitue le fondement de l'univers entier. Les cinq principes subtils qui leur sont liés s'énumèrent en : odeur, goût, forme, toucher et son. Pour chacun d'entre eux, il s'agit plutôt du lieu d'où provient l'odeur, le goût, la forme, etc ...
Lorsqu'on creuse l'expérience des cinq premiers éléments, on trouve un réel plaisir à éprouver la terre, l'eau, le feu et l'air. Ils se retrouvent en alchimie par exemple et se déclinent dans les transmutations de la matière minérale ou végétale. Pour nous qui travaillons l'énergie à partir du corps, ce qui se désigne par la voie royale dans l'activité citée précédente, les cinq éléments et notamment l'espace s'accompagnent d'une modification de perception. Nous rencontrons chaque principe tel qu'il est dans la nature. Cela nécessite un travail de présence et d'ouverture.
Je me souviens que j'ai découvert à quel point le nez pouvait devenir sensible. Je marche autour d'un lac, reconversion d'une ancienne zone d'excavation de charbon, je vois arriver au loin un jogger. Quelques mètres avant qu'il me croise j'inhale une pleine bouffée de transpiration comme si on m'avait collé son linge au visage. Ce n'était pas une odeur nauséabonde, simplement l'évidence de l'effort. Chose étonnante car il était à contre-vent. Ce fut intime et incroyablement vivace, comme une prise de conscience simple.
Même expérience quelques kilomètres plus loin avec une femme qui pousse un landeau. Je ressens clairement la présence de tabac à plusieurs mètres de distance. C'est tellement distinct que cela me frappe d'émerveillement. En une autre occasion, je me fais masser aux huiles essentielles par une connaissance. Elle m'évoque une fleur des îles, en relation avec mes origines polynésiennes. Je ne connais pas du tout cette plante mais d'un coup une fragrance sucrée, légèrement vanillée, douce et agréable m'envahit les narines. Il semble après description que cela puisse correspondre. Intriguant, amusant.
Pour tous les sens, il en va de même. L'expérience du monde avec ses éléments grossiers et subtils pose le jalon d'une ouverture de conscience à ce qui est. Ainsi, le toucher se développe par le contact des yeux pour moi, de l'oreille et bien sûr de la main. Je vibre avec les fréquences inscrites au niveau de la peau, des chairs, des os et des organes. Je perçois des modifications dans la texture de l'air ou dans l'impression laissée par le corps qui indiquent une indisposition, un mal-être ou un excès énergétique. Avec la pratique cela s'éclaircit et devient palpable.
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