Nous nous regardons chaque matin dans le miroir. Cette image si familière ne nous pose aucune question. Les gens nous rencontrent et nous reconnaissent dans la rue. Nous ne nous interrogeons pas sur notre identité puisque d'évidence nous sommes nous-même. Dès la naissance nous apprenons à répondre à un nom, un rôle, des règles de conduite. Toute cette instruction construit progressivement à notre personnalité. La rencontre de l'éducation et de nos tendances profondes induit une création apparemment palpable que nous dénommons " je ". Mais parfois, dans un moment de doute, nous tombons face à la question abyssale " Qui suis-je ? ".
S'il s'agit de se définir, nous allons proposer des traits de caractère ou une fonction familiale, sociale, professionnelle. Mais cette description ne constitue qu'un aspect parcellaire de nous-même. Nous sommes toutes les énergies qui s'expriment dans l'instant, en perpétuel renouvellement. Nous ne pouvons donc pas accrocher notre " je " et l'arborer comme un badge. Notre évolution dépend de nos expériences et de la manière dont les vivons. Les crises existentielles chamboulent en certaines occasions notre art de vivre. Certains paliers que l'on place tous les sept ans pour les femmes et les huit pour les hommes nécessitent notre attention de force ou de gré. Afin d'être qui nous sommes, le rappel sonne régulièrement. Les situations nous offrent l'opportunité de la plénitude.
Nous ne sommes donc pas quelque chose ou quelqu'un mais un ensemble relativement disparate à l'origine. L'organisation de ces forces selon un développement induit par une recherche personnelle correspond à la maturité de notre être. Au fur-et-à mesure que nous résolvons les attaches avec notre famille, la société, la religion et toutes les peurs induites par le système affectif, nous cheminons vers un nous-même libre et autonome. La question " qui suis-je ? " force un appel à l'honnêteté. Ceci signifie le démasquage des prétentions que nous apposons en société. Nous jouons à être séduisant, fort, intelligent, inspiré. Mais nous nous sentons à l'inverse de cet affichage. Notre résolution consiste à nous affirmer dans ce que nous sommes réellement. Avec confiance mais sans aucune certitude.
Le besoin de se définir provient d'un manquement intérieur. Puisque la réalisation de notre nature nous fait défaut, nous cherchons un remplissage dans les objets extérieurs. Je possède parce que je suis vide. J'ai une belle maison, une grosse voiture, un sac tendance, une montre clinquante, un téléphone dernier cri mais je ne suis pas vraiment heureux. En effet, aussitôt satisfait le désir change de forme. L'acquisition ne nous profite que de courte durée. Nous reprenons alors de plus belle dans cette course effrénée à l'accumulation. Cependant, il existe une solution. Celle de goûter à ce qui est ici et maintenant. Cette entière jouissance du présent fait disparaître le besoin d 'autre chose. C'est ce que nous cherchons au fond de nous. Paradoxalement, nous le fuyons à travers la consommation.
La réponse à " qui suis-je " ne s'établit pas mais demeure incertitude et quête permanente. Dans ce vide, nous tombons. Dans ce trou, nous nous relevons. Avec détermination, aventurier des profondeurs, nous avivons la flamme de vie. Nous découvrons avec stupéfaction la beauté du monde lorsque nous nous offrons nu à la nature. Sans artifice, la splendeur environnante reflète notre plénitude intérieure. A la fois creux et débordant, notre coeur s'étire en des sens toujours plus affinés. Le partage reste difficile car ceci repose sur l'expérience de qui nous sommes. Alors lançons-nous. Allons à la rencontre du réel bonheur. Abandonnons nos vieux oripeaux pour l'éternel présent. Une fois le pas franchi, les voiles tombent et le monde s'ouvre. Bonne quête.
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